Tourisme rapide près du stade Lequesne, à Bordeaux

- "Tu nous fais pas un tourisme rapide", me demande Luc ?

Je suis pas inspiré : le stade Henri Lequesne est à l'ouest de Bordeaux, près de la voie ferrée, entre la rue de Capeyron et la rue Virginia. Depuis le stade, on aperçoit des HLM de 8 ou 10 étages et beaucoup d'arbres, comme le montrent ces deux photos prises pendant le match. Que faire avec ça ?...

Je suis allé me balader autour du stade et je découvre 10 ou 15 maisons identiques le long d'une rue :

La porte d'entrée est sur la partie en retrait. L'avant-corps ne dispose que d'une fenêtre, et il n'y a pas d'étage. Je n'ai pas pensé à regarder s'il y a une cave... Sous le fronton, il y a parfois un assemblage de poutres décoratives, comme sur la maison ci-dessus.

Elles ont toutes le même cartouche sur lequel le propriétaire faisait inscrire le nom de sa ville : "Mon Repos", "Nous Deux", etc..

Notez la faible épaisseur des poutres. Ces petites villas sont entourées par un petit enclos. Ici, on a gardé un vieux pin ; là, on a planté jadis un palmier :

Ces bâtisses ont été construites au début du 20ème siècle. Elles sont les ancêtres des habitations à loyer modéré. A l'époque, on les appelait les HBM, les habitations à bon marché.

Bon marché en terme de coût, il suffit de voir les murs associant briques et pierres, et la faible section des poutres ; bon marché aussi pour le loyer ou le prix de vente.

La loi Siegfried du 30 novembre 1894 avait popularisé ces maisons à bon marché. Autour du stade Lequesne, elles illustrent une page de l'histoire de Bordeaux : la ville débordait au delà de ses boulevards et ici, on a construit à moindre coût sur des étendues jadis sableuses et incultes, en s'inspirant des villas du bord de mer.

Plus loin, voici une dizaine de maisons cubiques à un étage, dans la mode des années 1960. Encore des habitations à bon marché !

Elles rappellent la maison des Arpel dans le film "Mon Oncle", que Jacques Tati a tourné en 1956-1957. Je les trouve laides... et je n'ai photographié que ces oeils-de-boeuf qui furent alors tant à la mode... si peu de temps :

Cette balade nous a entraînés dans une histoire des HLM, avec les plus récents, ces lotissements verticaux :

C'est la "Résidence Beau Site". Le site était certainement enchanteur avant que ces damiers en béton ne remplacent les pins et les vieilles maisons à bon marché.

J'ai croisé ce cèdre magnifique :

Le botaniste Bernard de Jussieu avait introduit cette essence en France en 1734. D'un voyage au Liban, il en avait rapporté un tout petit exemplaire dans son chapeau. Il l'a mis en terre au Jardin des Plantes, à Paris, où on l'admire toujours :

L'histoire ne dit pas ce qu'est devenu le chapeau de Bernard de Jussieu.

Dans ce quartier, il reste quelques belles demeures bourgeoises de la fin du 19ème siècle, et quelques vieux arbres de parcs abandonnés aux habitations à bon marché puis aux HLM. Ce quartier illustre l'émiettement du patrimoine immobilier d'une riche bourgeoisie, depuis le début du 20ème siècle, avec l'apparition, dans les anciens parcs et sur des terrains incultes, de lotissements horizontaux puis verticaux.